Appel à contributions

 

APPEL À CONTRIBUTIONS  

Congrès IUF – 23-25 mai 2023

Université Gustave Eiffel

Évolution

Le sujet pourra se décliner aussi bien en sciences humaines qu’en sciences exactes et il suscitera aussi des questionnements sur des notions connexes.

Si le terme d’évolution apparaît d’abord dans le vocabulaire spécialisé de l’art militaire (au XVIe siècle), il en vient très vite à désigner des mouvements divers (d’un corps, d’un astre, d’un navire) au XVIIe siècle. Le terme est lié au XVIIIe siècle à une pensée du vivant – chez Bonnet par exemple – qui, émettant l’hypothèse de la préformation des embryons et de leur évolution, sera très vite contestée. C’est au xixe siècle que le terme et l’idée entrent tout à fait dans le langage scientifique, et cela dans des domaines divers. Notion, modèle de pensée ou paradigme, le terme d’évolution se diffuse en relation avec l’essor des sciences et le développement d’un sens historique au xixe siècle (dont l’impact sera important dans tout le champ des sciences humaines jusqu’à la linguistique, la littérature et les arts). L’évolution est alors pensée d’abord dans l’embryologie (en particulier par Étienne Serres) avant que l’idée se diffuse largement, grâce au darwinisme et au néo-transformisme de la fin du siècle, dans l’ensemble des sciences de la vie et de la nature. Mais le terme a été aussi employé de manière concomitante, dès les années 1830, la frontière des sciences et de la philosophie, par le positiviste Littré (de formation médicale à l’origine) pour désigner une nouvelle conception du temps, qu’il appelle de ses vœux car il estime que Goethe (La Métamorphose des plantes) et Lamarck (Philosophie zoologique) s’en font une idée encore trop téléologique et ancrée dans une vieille pensée de la perfectibilité des êtres et du progrès général.

Dès le darwinisme, la réflexion sur l’évolution a fait aussi intervenir des notions connexes commela sélection, la lutte, le hasard, donnant ainsi une tonalité anti-téléologique à la pensée moderne du temps. Le mot « évolution » a été impliqué parfois dans des conceptions divergentes (de l’épigenèse du XVIIIe siècle à la biologie évolutive) et dans de nombreux débats scientifiques et philosophiques voire politiques (par exemple lorsque le géographe et anarchiste Élisée Reclus publie un livre sous le titre Évolution et révolution). Le terme permet tantôt de modéliser une pensée du passé (dans l’histoire de la terre et des êtres vivants), tantôt une pensée du futur (c’est fréquent en sciences sociales et politiques) et du développement (surtout dans les domaines de l’économie, de l’urbanisme et de l’écologie). À notre époque, la notion d’évolution est davantage articulée à une réflexion sur les interventions humaines dans la recherche d’un développement durable et mieux maîtrisé par l’homme.  

L’évolution n’est donc pas seulement une idée ou un modèle de pensée à forte circulation interdisciplinaire, c’est aussi un paradigme qui a marqué l’histoire de toutes les disciplines jusqu’à l’époque contemporaine, mais dont la pertinence et les effets tant scientifiques qu’idéologiques ont été souvent mis en question. Ce paradigme s’est trouvé contesté par l’émergence d’autres idées, pouvant prétendre à leur tour au rôle sinon de paradigme du moins de modèle de pensée, par exemple lorsque Hugo de Vries, dès 1900, définit la notion de mutation, encore essentielle dans la génétique contemporaine, ou lorsque la physique quantique développe la notion d’indétermination, plus moderne que celle de hasard, impliquée par Darwin dans sa conception de l’évolution.

Ce qui fait l’intérêt du sujet proposé, c’est donc non seulement qu’il concerne de nombreuses disciplines mais aussi qu’il se situe à la croisée des sciences humaines et exactes. Il est de ce fait impliqué dans de multiples débats dont les enjeux sont épistémologiques mais peuvent être aussi, à certaines époques, religieux, idéologiques ou politiques.  

Enfin, la notion d’évolution permet d’interroger la logique même du travail scientifique et sa méthodologie qui suppose toujours, à l’époque moderne, un processus cohérent, un enchaînement de faits, liés par une relation de cause à effet : c’est le présupposé d’une recherche qui, de proche en proche, fait surgir de nouvelles questions. De ce fait la notion d’évolution se trouve directement liée à la fois à la conception du travail scientifique depuis que celui-ci s’appuie sur une rationalité et depuis qu’il fait porter l’accent non plus sur la classification et la taxinomie afin de mettre en ordre les êtres et les choses mais sur la cause qui les produit et sur la transition qui enchaînent les faits les uns aux autres. L’évolution est aussi au centre de l’histoire des sciences, même si sur le plan de l’épistémologie, à l’époque contemporaine, l’idée d’une histoire linéaire et continue ou d’une capitalisation progressive des connaissances suscite des critiques et des débats : l’idée d’évolution a été confrontée à d’autres modèles possibles, comme celui des ruptures épistémologiques (Foucault, François Jacob) nécessitant une approche de l’archéologie des savoirs ou celui des changements radicaux de paradigme (Thomas Kuhn), qui met en évidence le rôle des contraintes sociologiques pesant sur l’organisation et la pratique scientifiques.

Des sciences de la vie où l’idée a été particulièrement structurante aux mathématiques où s’élaborent des modèles aléatoires et déterministes de l’évolution génétique et plus généralement des formes du vivant, en passant par les sciences physiques et chimiques – en particulier les études  sur  l’évolution de l’univers depuis les premières structures jusqu’à la caractérisation des  planètes orbitant autour de leur étoile – ou encore par les sciences humaines qui font souvent des emprunts aux conceptions scientifiques de l’évolution, ce sujet devrait permettre à chaque discipline de proposer des contributions.

Durée des communications: 15 minutes.

Résumé de 2500 mots maximum à déposer avant le 15 février 2023 sur le site du congrès (rubrique "Déposer un résumé") https://iuf2023.sciencesconf.org/

Contacts : gisele.seginger@univ-eiffel.fr  et julien.yvonnet@univ-eiffel.fr 

Image Haeckel et le Rêveur

 

Figure à gauche: Arbre phylogénétique simplifié des animaux en fonction
du premier ancêtre commun rêveur (Wikimédia); Figure à droite: Ernst Haeckel, Kunstformen der Natur (Leipzig et Vienne, Verlag des Bibliographischen Instituts,1899-1904).

 

 

 

ff_2.png

 

Figure : à gauche : Le piédestal du«  buisson du vivant » (Musée des Confluences, Lyon), Source - © 2014 Laetoli Production, conception Samba Soussoko; à droite : évolution de fissures dans une microstructure de béton.

 logos_X_7.png

Personnes connectées : 2 Vie privée
Chargement...